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FANTAISIES
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Histoire espiègle 

Après avoir à grand-peine obtenu,
Pour son projet, l’agrément d’Isabelle,
Colomb voulait mener sa caravelle
Aux bords de l’Inde, au bout de l’inconnu.

Jusqu’à sa mort, malgré quatre voyages,
Il ignora la géniale erreur
Qui fit de lui l’innocent découvreur
D’un continent tiré du fond des âges.

* *
*

Maint bourlingueur, plus d’un nouvel Argo
Mirent le cap sur cette autre Colchide,
Vespucci l’admira ; chantre candide,
L’homme se prénommait Amerigo.

Il exalta ce monde fantastique
Et, sans égard pour Christophe Colomb,
Ce fut, pour ses récits, de son prénom
Que la rumeur baptisa l’Amérique.

* *
*

Terre livrée aux rudes conquérants,
Aux boucaniers en quête de richesse,
Elle absorba des foules en détresse,
Gens démunis, cohortes de migrants.

Leur descendance a rehaussé la gloire
Et le profit de puissants souverains
Puis a signé ses choix républicains
D’un pied de nez digne de cette histoire

***

Déconvenues

Lance le corps des saccades gymniques !
La liberté dont procèdent les pas
Les abandonne aux effets mécaniques,
Le cœur se tait, l’esprit ne pense pas.

Batte le cœur aux rythmes erratiques
De ses penchants pour d’indignes appâts !
Brefs engouements, foucades prosaïques
Singent l’amour qui ne l’habite pas.

Tire l’esprit de légendes bibliques
Un réconfort aux malheurs d’ici-bas !
Conjurateur des angoisses cosmiques,
Sans le néant, Dieu n’existerait pas.

Coure le monde à ses fins hermétiques !
L’homme s’essouffle à de moindres combats.
Passé le temps des envols prophétiques,
L’âme s’émousse et ne regimbe pas.

***

Drôle de mécanique 

Le vieil Anaxagore aux Grecs le révéla,
Des prodiges du ciel à la soupe quantique
Un seul ingrédient prospère et tout cela
Relève de la mécanique.

Malaxé par le temps, l’atome sec et froid
Façonne, maigre outil du grand labeur cosmique,
Les cailloux et les cœurs dont sa course, à l’étroit,
Brise bientôt la mécanique.

Aliment du chaos, ferment de l’idéal,
Sa féconde vigueur engendre une logique ;
Incartade, envolée, engrenage fatal
Revigorent la mécanique.

Brasseuse d’intérêts, de fois, de sentiments,
La tragédie humaine intègre, énigmatique,
Les lents progrès issus de tant d’affrontements,
Tourne, tourne la mécanique.

Le peuple des quanta donne aujourd’hui raison
À ce pressentiment d’un beau génie antique
Mais la liberté meurt, luxe hors de saison
Quand triomphe la mécanique.

Si tel est notre sort, si l’homme est un pantin
Qui, parmi les meilleurs, mêle à son viatique
Platon, Shakespeare, Einstein, Goethe, Bach, Augustin,
Alors, vive la mécanique !

L’imaginable couvre un domaine profond
Où bourgeonnent le vrai, le pur, le fantastique ;
Rêves de nos aïeux ces bienfaits fleuriront
Dans l’âme… où dans la mécanique.

***

Les noms du diable
 
Dans la cohorte de Satan
Maints spectres de l’être exécrable,
Anges déchus, monstres d’antan
Se disputent le nom du diable.

Béhémot, selon les Hébreux,
Fut le tout premier de la gamme,
Pachyderme inepte et scléreux
Qui tenait de l’hippopotame.

Léviathan, jadis connu
Sous les dehors d’un crocodile,
Avec Hobbes est devenu
L’exemple du despote habile.

Azazel eut un moindre sort,
Démon obscur et solitaire
Qui, chaque année, -en est-il mort ?-
Avalait le bouc émissaire.

Et voici le dieu philistin,
Belzébuth, maître des souillures,
Promu par la Bible, soudain,
Prince des noires créatures.

Astre dégringolé du ciel,
Lucifer, enfant de l’Aurore,
Fomente le mal, et son fiel
Grossit le feu qui nous dévore.

Parce que sa plume engendra
Le Prince, monarque cynique,
Machiavel demeurera
Lui-même à jamais diabolique.

Méphistophélès, négateur,
Séduit les âmes, les dévoie,
Les corrompt, s’en fait l’acheteur,
Veut damner Faust et se fourvoie.

Maldoror, chez Lautréamont,
Revendique sa malfaisance,
Émule âpre et nauséabond
De Dieu, de sa toute puissance.

Satan règne, c’est le Malin,
Le phénix des anges rebelles,
Apocalyptique gredin
Et suppôt des œuvres charnelles.

L’innommable, nous le nommons
Pour imputer nos turpitudes
À quelques sulfureux démons…
Il en faudrait des multitudes !

***

La planète

Petite, la planète ? Elle était devenue
Sans rivale, reine des cieux.
Ce n’est plus qu’un objet, même taille menue,
Parmi bien d’autres en tous lieux.

La science en répond et son orthodoxie
S’impose à nos lointains regards,
Les étoiles seraient, dans chaque galaxie,
En moyenne, cent milliards.

Autour d’elles, souvent, gravite une compagne
Ou plusieurs… une floraison !
Moins seulette la Terre au change rien ne gagne
Et pleure son vieil horizon.

Cent milliards… Morbleu ! C’est le nombre, chez l’homme,
De neurones qu’il a fallu
Pour émerger de l’ombre et se convaincre en somme
Que le monde est hurluberlu.

Partout semblent régner hasard, coïncidence
Mais, s’il ose lever les yeux,
L’esprit se voit conçu, sommet de cohérence,
Comme une galaxie… en mieux !

Nébuleuses, berceaux d’espèces sidérales
Qui nourrissez tant de soleils,
Pourquoi l’œuvre géant des lumières astrales
A-t-il engendré nos éveils ?

Les vivants de la Terre, ailleurs d’autres sans doute,
L’univers se réfléchissant,
Suggèrent que leur être, infime sous la voûte,
Agit comme un levain puissant.

L’espace n’est qu’un mur aux frontières du vide
Où se brise l’immensité
Sans borne est la planète où s’orchestre, lucide,
Et monte la complexité.

***
 
Dans le métro

Pour voyager sans souci de l’espace,
À travers temps, sans guide ni besace,
Point n’est besoin d’être Ulysse ou Zorro,
Il nous suffit de prendre le métro.

Que, devant nous, surgisse une frimousse
Un peu rêveuse, élégante mais douce,
Épanouie, à nous d’imaginer
Son paradis, de nous y promener.

À nous de lire aux traits de son visage
Quel grand amour ou quel enfantillage
En fait le charme et la félicité,
À nous l’errance et la perplexité.

Non. Un arrêt, trop vite, nous rappelle
À notre strapontin. Adieu, la belle !
Place au lourdaud dont les pas moutonniers,
Dans la cohue, offensent nos souliers.

Tandis qu’il joue avec son téléphone
Éperdument, sans attendre qu’il sonne,
Livres, journaux cloisonnent leurs lecteurs
Devenus sourds au bagou des quêteurs.

Pour échapper à l’ennui de la rame,
Déchiffrons le dépit de cette femme
Au regard lourd, au masque rembruni.
Que de rancoeur ! Son bel âge est fini…

Un peu plus loin, des garçons et des filles
Écervelés, s’amusent de broutilles
Sans prendre garde à cet homme important
Qui les surveille et semble mécontent.

Un retraité prodigue sa culture
À ses voisins qui font piètre figure,
Ailleurs, un jeune cadre expéditif
Lorgne sa montre, il bout d’être captif.

Les portes s’ouvrent… hop ! Il se faufile
Et saute sur le quai, seul entre mille
Puis disparaît. Un flot de voyageurs
S’engouffre, ils ont l’air mornes et songeurs.

Le spectacle aussitôt se renouvelle,
Crâne d’œuf ou balourd, dame ou donzelle,
Étourneaux, songe-creux ou beaux esprits
Entrent, porteurs de mondes inédits.

Que d’univers dans la foule muette !
Chacun refait le sien, bulle discrète
Ouvrage unique, aperçu personnel,
Mirage en soi plus vrai que le réel.

L’un ou l’autre n’est rien, ou peu de chose
Mais leur ensemble à la terre s’impose.
L’individu, né de l’immensité,
Se fait l’outil de la complexité.

***

Le militant

Coeur exalté, toutes griffes dehors
Et verbe haut pour tancer l’adversaire,
Le militant, muni de son bréviaire,
Vole au combat sans doute ni remords.

Meneur hardi pour que bougent les choses
Ou trublion plutôt que n’être rien,
Ce partisan rebelle et citoyen
Porte le fer parmi toutes les causes.

Enthousiaste, épique, aventureux,
Il sait parfois incarner une chance
Aux yeux pourtant blasés de l’espérance
Que raffermit son geste généreux.

Son énergie est un brûlot de zèle,
De raison folle et de témérité
Dont le credo force la vérité,
Sauf à nier les ombres devant elle.

Retiré de la scène, il vieillit mal,
Grognard déçu, fidèle à sa promesse,
Fier à l’excès des cris de sa jeunesse
Et remâchant son reste d’idéal

***

Fugue en minuscule

« …dans certaines situations très particulières
deux photons qui ont interagi dans le passé
ont des propriétés que leur distance mutuelle, aussi grande soit-elle,
ne suffit pas à séparer (…) : ce qui arrive à l’un des deux, où qu’il soit dans l’univers,
est immédiatement intriqué avec ce qui arrive à l’autre photon dans un autre lieu de l’univers,
comme si un lien quantique immatériel et instantané les tenait ensemble. »
Cette caractéristique… « aujourd’hui parfaitement établie sur le plan expérimental (…)
doit être considérée comme une propriété fondamentale de la nature »

Étienne Klein
Petit voyage dans le monde des quanta
(Pages 116 et 118)
Flammarion, mars 2004 

Les voyages de la pensée
Au-delà de notre horizon
La veulent, pour être sensée,
Assujettie à la raison.

Guide neutre, celle-ci veille
À doubler le cap et l’écueil,
Indifférente à la merveille
D’une sirène en trompe-l’œil.

S’il juge lente la méthode
Qui tient l’erreur à sa merci,
L’esprit pressé s’en accommode
À défaut d’un bon raccourci.

Parfois trop prompt, il revendique
L’instinct ou des pressentiments
Mais l’ère de l’informatique
Vilipende ces errements.

* *
*


Existe-t-il dans la nature
Un moyen d’aller droit au but ?
Le peuple des quanta murmure…
Gulliver entre à Lilliput.

Là, s’offre un autre paysage
D’espace-temps décloisonné
Où, sans cheminer, le message
Lointain se fait instantané,

Où des particules semblables
Que relie un peu du passé,
Désormais distantes, instables,
Forment un ensemble agencé.

Leur singularité fugace,
Mieux comprise, pourrait fournir
À l’intelligence tenace
Une chance pour l’avenir.

Elle est d’un monde sans frontière,
Exonéré des vieux carcans
De l’apparence familière,
Ouvert à de nouveaux élans.

Ubiquiste, une multitude
A le don de communiquer
Prestement et, cette aptitude,
Il nous faut la domestiquer.

C’est urgent ! La houle céleste,
Au mépris de l’éternité,
Médite, son erre l’atteste,
Un choc, une calamité.

Nous filons vers l’énorme bulle
Orbe dense, noir, sans éther
Qui, de froid ou de canicule,
Détruira nos êtres de chair.

Soleil ! Tes milliards d’années
Ont bercé nos illusions,
Il n’en reste à nos destinées
Que deux cents petits millions.

Avant que s’éteigne la vie
Et que s’estompent nos printemps,
La pensée aura pour envie
De forcer le piège du temps.

* *
*

Son exigence naturelle
Est de vaincre les pesanteurs.
Captive, comment pourrait-elle
Accomplir des choix novateurs ?

Elle a trop séjourné dans l’âme,
Jouet du ciel et des enfers
Et, maintenant, elle réclame
Sa délivrance à l’univers.

Elle dédiait ses louanges
Aux bienfaits d’un être géant,
Minuscules se font les anges
Qui la sauveront du néant.

S’il devient pour eux concevable
D’être ici présents, mais ailleurs,
Sans doute est-elle aussi capable,
À l’infini, d’autre lueurs.

Aujourd’hui logique, elle honore
Aristote et son Organon
Mais, demain, devra plus encore
Aux paradoxes de Zénon.

Là, s’offre un autre paysage
D’espace-temps décloisonné
Où, sans cheminer, le message
Lointain se fait instantané,

Où des particules semblables
Que relie un peu du passé,
Désormais distantes, instables,
Forment un ensemble agencé.

Leur singularité fugace,
Mieux comprise, pourrait fournir
À l’intelligence tenace
Une chance pour l’avenir.

Elle est d’un monde sans frontière,
Exonéré des vieux carcans
De l’apparence familière,
Ouvert à de nouveaux élans.

Ubiquiste, une multitude
A le don de communiquer
Prestement et, cette aptitude,
Il nous faut la domestiquer.

C’est urgent ! La houle céleste,
Au mépris de l’éternité,
Médite, son erre l’atteste,
Un choc, une calamité.

Nous filons vers l’énorme bulle
Orbe dense, noir, sans éther
Qui, de froid ou de canicule,
Détruira nos êtres de chair.

Soleil ! Tes milliards d’années
Ont bercé nos illusions,
Il n’en reste à nos destinées
Que deux cents petits millions.

Avant que s’éteigne la vie
Et que s’estompent nos printemps,
La pensée aura pour envie
De forcer le piège du temps.

* *
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Son exigence naturelle
Est de vaincre les pesanteurs.
Captive, comment pourrait-elle
Accomplir des choix novateurs ?

Elle a trop séjourné dans l’âme,
Jouet du ciel et des enfers
Et, maintenant, elle réclame
Sa délivrance à l’univers.

Elle dédiait ses louanges
Aux bienfaits d’un être géant,
Minuscules se font les anges
Qui la sauveront du néant.

S’il devient pour eux concevable
D’être ici présents, mais ailleurs,
Sans doute est-elle aussi capable,
À l’infini, d’autre lueurs.

Aujourd’hui logique, elle honore
Aristote et son Organon
Mais, demain, devra plus encore
Aux paradoxes de Zénon.