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COURSE MÈRE
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Emprise


Acte de l’univers, emprise éparse
Et sa mouvance, ô toi qui nous surprends !
Quelle présence es-tu, fuyant comparse ?
- Je suis le temps.

- Tu reprends à jamais l’instant qui passe
Neuf et porteur de la somme des ans.
Comment peux-tu le soustraire à l’espace ?
- Je suis le temps.

- Pourquoi, sans fin, pousses-tu les contrastes,
Exacerbés en luttes de Titans,
À façonner l’oeuvre que tu dévastes ?
- Je suis le temps.

Je forme avec l'espace un vieux couple qui mène
Le monde et ses fureurs, lui donne un horizon.
Son périple lointain, hors de l'échelle humaine
épuise ton regard, enivre la raison.

Je suis le temps, l'unique et pâle certitude :
Un autre jour viendra que rien ne peut surseoir
Mais tu n'en sais le prix ni la vicissitude,
Peut-être devras-tu me quitter sans le voir.

Je suis le temps, la seule et fatale contrainte.
Dans l’espace volage où j’enchaîne et je clos,
Avant la nuit où va se fondre mon empreinte,
Cherche la liberté…Je promets le repos.

***

Dialectique


Le monde puise aux fracas des contraires
Son énergie, amalgame géant,
Attente au cœur de ses formes précaires,
Premier essor, transfuge du néant.

Électrons fous, particules discrètes,
Foule des corps perdus au moindre heurt,
Frissons ténus nés de cordes abstraites
Donnent au ciel un souffle qui ne meurt.

L’ensemble à tous dicte une cohérence
Au sens obscur, où l’élément se fond.
Jeune insoumis, l’éclair de conscience
Veut s'échapper du mouvement profond.

Rêves, tourments, liberté, solitude,
Illusion de l'être qui se croit
Unique ego, hors de la multitude,
Persécuté, divin, fort de son droit,

Force de l'homme émancipé du vide
Le font aller en marge du chemin
Mais l'univers qui rien ne dilapide
Compte ses jours et capte son destin.

C’est la genèse au cours hétérodoxe,
Chacun ne pense et n’agit que pour soi
Mais en bien d’autres l’âme, ô paradoxe !
Se dissémine - ou s’étouffe, sans quoi.

C’est l’engrenage au cours hétérogène,
Chacun, jaloux de son identité
Sans y trouver jamais l’ordre pérenne,
À son insu nourrit l’altérité.

C’est l’existence au cours antinomique,
Élan joyeux, véhicule de mort,
Évasion dont la poussée implique
Chocs destructeurs et naufrages d’abord.

Plus loin, plus haut, d’exaltantes merveilles,
Ici, l’horreur, les tares de toujours
Partagent l’homme entre ses fautes vieilles
Et l’idéal au faîte du parcours.

Il ne peut rien sinon vivre son âge,
événement pour lui sans lendemain,
Mais, pour l'esprit, fulgurant témoignage
D'une envolée au périple incertain.

***

Émergence


Le devenir, dans l'ombre, ébauche avec envie
L'offre du lendemain et l'existence rit,
Joignant aux feux des corps, aux chances de la vie,
Les désordres du cœur, les joutes de l'esprit.
Nos esprits sont bornés mais l’oeuvre est sans limite
Alors faisons le mur, partons pour l'insolite !
La routine s'enlisera,
L'exode nous stimulera.

Quand le bébé joufflu s'éveille
Il se voit seul et fait du bruit,
Sa mère accourt, pure merveille,
Douce vérité, jour et nuit.
L'enfant, au centre du manège,
Promesse que rien ne protège,
Végète sans savoir pourquoi
Mais, fruit pulpeux du monde, en incarne la loi.

Nous trônons comme lui, fragiles personnages,
Dans l'ordre familier cherchant quelque soutien,
Tourbillons d'éléments venus du fond des âges
Dont la pensée affleure et n'est bientôt plus rien.
L'aventure a sombré parmi la multitude,
Myriade changeante, abîme, incertitude ;
Au bord du gouffre se poursuit
Un rêve échappé de la nuit.

La nature qui le reflète
Épouse sa diversité,
La soigne, l'use, la rejette,
Éphémère réalité,
Puis elle en sauve la substance,
L'investit d'une autre présence,
Prolifique surgissement,
Pérennité de l’être en renouvellement.

Lorsque nous contemplons le ciel et sa mémoire
Et l’emprise du temps qui flèche son parcours,
Nous rejoignons la vie, et l’homme, et leur histoire
Où chaque instant jaillit de la somme des jours.
Matière, acte, pensée, un projet s’amoncelle,
L’acte couve un brasier, l’idée une étincelle,
Essor multiple et continu
D’un même désir inconnu.

Nouveau relais de l’émergence,
La conscience en désarroi,
Parmi le tout seule mouvance
Ayant l'illusion de soi,
Se mesure au néant. Sa flamme
Étouffe et semble envier l'âme,
Absurde ou non, dont les sursauts
Ont métamorphosé la gangue et le chaos.

***

Course mère


Pensée intarissable aux détours infinis,
Au souffle prolifique, aux thèmes rajeunis,
Élan transcendantal nourri d’incertitude,
Si l’inconnu t’échappe ou s’il te semble absurde
Ne prétends pas que l’ordre a commis des erreurs !
Ses procédés sont sûrs, leurs suites sans reproche
Mais le voile d’Isis déconcerte l’approche
Des plus sagaces déchiffreurs.

Les arcanes d’un monde à trois dimensions
Ou quatre, ou davantage et les dissensions
N’ont jamais retenu des hommes de génie
D’affubler l’univers d’une cosmogonie.
Leurs sermons ont sommé les peuples innocents
D’adorer le soleil, les astres, maints symboles,
D’obéir, de vouer leur vie à des idoles,
Fleurons aux sceptres des puissants.

Embrasser l’absolu, l’exprimer d’un seul cri,
C’est le sublime enjeu, le suprême pari,
L’espoir épouvanté que dicte la présence ;
C’est, pour le malheureux qu’étouffe l’existence,
La clé d’un avenir fait de rêve et de foi
Mais tant de novateurs, aux limites extrêmes
Du cœur, de la raison, ont vu tant de systèmes
Que la Terre n’a plus de loi.

Leur logique, parfois, a pu venir à bout
D’articuler le sens et les formes du tout,
De nommer chaque chose et d’en dire la place,
Prodigieux sommets d’oeuvres qu’une autre efface…
Le temps n’est plus des feux de l’esprit. Nul éclair
Ne jaillit désormais des tourmentes de l’âme ;
Sa ferveur émoussée, à présent nulle flamme
Ne folâtre aux limbes d’hier.

C'est maintenant le fond de la réalité
Que prospecte le sage avec humilité,
C’est le détail en soi, pour une connaissance
Pure de théorie et de fausse évidence,
Dont la leçon s’impose à nos nouveaux penseurs.
Chercheur en médecine, en sociologie,
Philosophe, savant suivent la stratégie
Des vieux compagnons bâtisseurs.

Chacun taille la pierre aux contours imparfaits
Qu'il destine à l'ouvrage, artisan du progrès,
Mais la livre au pouvoir d’outils informatiques.
Anonyme maillon de choix cybernétiques,
Dans son laboratoire un maître n’est plus rien :
Pour aller de l’avant, notre époque perplexe
S’applique à maîtriser un savoir si complexe
Que nul ne peut le faire sien.

Quand l’analyse experte encadre bien ses pas,
Quand la synthèse innove et ne l’égare pas,
L’humanité se voit par ce couple engagée
À s’élever, à tendre au faîte, à l’apogée.
Elle accompagne ainsi le grand essor, l’assaut
Que la réalité de toute part atteste
Et qui montre un besoin, un désir manifeste,
Un voeu d’aller plus loin, plus haut.

Abstraite ou pragmatique, au bout de son discours,
La pensée en revient aux songes de toujours.
Elle veut s’évader, sortir de la matière,
Aventurer des vols plus prompts que la lumière
Et rejoindre, au delà des misères du mal,
Dans l'incompris qui la suscite et la féconde
Le geste créateur, le mouvement du monde,
Course mère de l'idéal.

***

Le fruit d’un engrenage


Des mots vertigineux qui dorment sur les pages,
Des actes prometteurs que recouvre la nuit,
Des sentiments dont l’homme a connu les orages
Que reste-t-il en nous ? Une histoire sans bruit.

Nous sommes imprégnés de mots plus ou moins sages,
Anonymes ou non, que leur sens a conduits
Jusqu’à notre mémoire où règnent sans ambages
Les récits transposés d’actes mûrs ou fortuits.

L’acte n’est jamais clos, une onde le propage
Avec d’autres, au loin ; le Monde les produit
Pour se renouveler, mécanique sans âge,
Ils fécondent la Terre et rien ne les détruit.

Beaucoup seront jugés, l’homme ayant l’apanage
Des sentiments, remous dont il souffre et s’instruit,
Reflets de son besoin d’échange et de partage :
C’est en le cultivant que l’âme se construit.

***

Le temps d'éclore


Geste protéiforme, épars, l'espace moule
Au cœur de ses brasiers les caprices du sort,
À moins que ce ne soit un dessein qui se coule
Aux plis de l’univers, périssable support.
Là, tout l’oeuvre mortel existe.
Présence et devenir, un souffle idéaliste
Émaille de progrès ce Tout tonitruant
Mais l’homme, exaspéré d’incarner la misère,
Se pose en créateur des chances qu’il espère,
Pour les hâter s'entre-tuant.

À la fureur des éléments répond la sienne,
Celle d’un conquérant de lumière et raison
Qui proclame l’histoire avant qu’elle n’advienne
Et somme le bonheur dont tarde la saison.
Le temps d’éclore à rien ne cède.
Voltaire va devant, que la souffrance obsède,
Le sang de la Terreur invective Rousseau
Dont le credo, pourtant, loin d’être une promesse,
Appelait au contrat, faute pour notre espèce
D’en revenir à son berceau.

Esprits hauts, grandes voix qui haranguez vos frères
Pour desserrer l'étau de la réalité,
Avocats de la paix, complices des colères
Vous restez les acteurs de la nécessité !
Péremptoire est l'ordre des choses.
Projeté dans la vie et ses métamorphoses,
Hanté par un destin putride ou triomphant,
Féroce contempteur de sa propre famille,
Perdu dans l'unité que son œil éparpille,
Ainsi clopine l'homme-enfant.

***

Un âge s'ouvre


Depuis qu’à son éveil un soupçon de lumière
Inaugura ses pas de folle aventurière,
L’humanité s’affaire, innove et se nourrit
Du progrès mais sa vie en devient prisonnière.

Elle a couru le globe et l’espace interdit,
Elle a tout inventé des choses de l’esprit,
Asservi la matière et se voit menacée
Pour avoir malmené la Terre à son profit.

Est-ce vraiment la fin d’une fière odyssée
Que trop de convoitise a rendue insensée ?
L’histoire est sans pardon. L’homme, au prix d’un sursaut,
Doit corriger les mœurs que blâme sa pensée.

Il a pu concevoir et parfois porter haut
D’intangibles vertus, des règles sans défaut,
Il a sacralisé l’exigence morale
Mais se perd dans un monde où le lucre prévaut.

Son rêve de progrès, dans sa quête idéale,
A capté la chimère et l’a faite vénale,
Docile aux intérêts, aux plaisirs, au confort…
Il n'a pas répandu la sagesse ancestrale.

Quand monte le péril et que gronde le sort,
Au moment d’inciter les peuples à l’effort,
Qui les stimulera ? Les tenants d’un système
Qui s’écroule, annonceur de déluge et de mort ?

Les doctes ? Quels experts mandater sur ce thème ?
Le débat est moral. La loi, nul stratagème,
Ni le savoir ou l’art de cerveaux chevronnés
Ne sauraient le trancher, ni la volonté même.

Victimes de l’échec, ceux qui n’étaient pas nés,
Libres de partis pris, d’usages erronés,
Ressentent l’avenir de toute autre manière.
Un âge s’ouvre ; place aux élans spontanés !

Que tombent nos vieux murs ! La vie est sans frontière…

Juin 2009